samedi 8 mars 2014

Dossiers "Momie" - n°2 Les féminismes (spéciale 8 mars 2014)

Eh oui... j'avais promis un topo sur les couleurs et la théologie du Nouvel Empire égyptien, mais aujourd'hui, ce sera un dossier "spécial 8 mars" : les féminismes dans la série des aventures d'Andrée Tenda.

Si vous vous souvenez bien, j'avais précisé dans les fiches personnages qu'Andrée et sa petite sœur Renée sont toutes deux féministes, quoique de courants différents.

Mouvances féministes au tournant du siècle (années 1880-1910)


Andrée se rattache à un féminisme certes militant, mais modéré dans ses actions, mené entre autres par Marguerite Durand. Cette dernière a fondé plusieurs Sociétés et journaux féministes, dont La Fronde en 1897, où j'ai donné un poste de correspondante scientifique à Andrée. Le féminisme de ce courant là est engagé pour une réforme des conditions de travail des femmes, de leur libre disposition de leur salaire, du suffrage universel qui doit enfin l'être réellement, etc. Présent sur les scènes politique et littéraire, il s'agit d'un féminisme qui lutte avec "les outils du maître", pour reprendre les termes d'Audre Lorde. Ce qui convient assez au personnage d'Andrée, que son don médiumnique ne prédispose pas particulièrement à la violence ni à la radicalité.

Marguerite Durand, 1910.
Marguerite Durand, 1910.

Renée, la frangine, appartient quant à elle à un courant féministe de l'époque beaucoup plus radical, et moins sympathique par certains aspect. Il s'agit du féminisme suffragiste et activiste mené par Hubertine Auclert, elle aussi fondatrice de plusieurs Sociétés et journaux militants. Elle avait par exemple refusé de payer ses impôts, arguant qu'il était injuste que l'État lui pique ses sous alors qu'il ne lui reconnaissait même pas le droit universel de vote.
Les féministes qui suivaient la ligne dictée par Hubertine Auclert ont mené de nombreuses actions d'éclat, allant de l'inondation de tracts des députés (elles s'étaient introduites dans le Sénat) à des manifestations non autorisées, en passant par la démolition symbolique d'une urne en pleine campagne municipale parisienne, en 1908.
L'aspect moins sympathique du féminisme d'Auclert, est son antisémitisme. Renée, à l'instar de son modèle, est farouchement antisémite et nationaliste, en bonne disciple d'Édouard Drumont. C'est donc un personnage assez ambivalent, qui sera difficile à écrire. Heureusement, elle n'apparaît pas (en théorie) dans le tome 1 de la série, mais commence à faire des siennes dans le tome 2.

Hubertine Auclert, 1910.
Hubertine Auclert, 1910.

Impact sur l'univers de La Momie aux os d'argent


Les personnages :
Andrée Tenda est féministe à plusieurs titres. Elle ne se laisse pas faire, elle ne laisse personne lui couper la parole ou s'exprimer à sa place, elle n'entretient aucune illusion sur le machisme de la société française et sur la violence des rapports de domination entre hommes et femmes, et entre classes sociales.
Politisée, elle se considère comme citoyenne à part entière, et refuse l'infantilisation économique et intellectuelle. Elle insiste pour signer ses articles de son nom et gère elle-même ses revenus.
Sur ce point, je dois reconnaître que je me suis facilité la tâche en en faisant une veuve. Ainsi, la question de la gestion de ses finances se trouvait réglée... parce que oui, en 1902, les femmes n'ont pas le droit de disposer de leur salaire à leur guise, et ne peuvent signer un chèque sans l'accord exprès de leur mari ou de l'homme dont elles dépendent (père, tuteur, etc.).

Les relations d'Andrée avec l'écrasant majorité de personnages masculins de La momie sont en conséquence très tendues. Elle doit souvent rappeler les hommes à l'ordre, les dissuader de toute galanterie ou de toute discrimination. Le fait que ses consœurs en Égypte, dans le tome 1, soient peu politisées et d'un féminisme moins que tiède, ajoute à l'énergie qu'elle doit déployer pour maintenir une atmosphère respirable selon ses critères.

La franc-maçonnerie et la Loge Théosophique :
Je me suis inspirée ici de la Société du Droit Humain, co-fondé par la féministe Maria Deraisme, première Société franc-maçonnique française mixte.
Je suis encore en pleine documentation sur le sujet, donc je complèterai cette partie de l'article plus tard...

Les vêtements :
Là, c'est un pur bonheur. La Belle Époque côté féminisme, c'est l'explosion de la mode des bloomers, ces pantalons très larges que portaient les cyclistes (quasiment des jupes-culottes) et que la société supportait à grand-peine (il y avait des décrets qui limitaient le port de bloomer aux cyclistes, et encore fallait-il qu'un vélocipède soit présent en cas de contrôle policier).

Femmes en bloomers à vélo.

C'est aussi le développement des tailleurs pour femmes, dont l'une des égéries est la biologiste Madeleine Pelletier, butch fin-de-siècle par excellence. Les activistes rivalisent d'élégance, quand elles n'arborent pas les chapeaux ébouriffants que vous pouvez voir sur les photos ci-dessus, et les robes à corsets coupés, tournures et moumoutes de toutes sortes.

Madeleine Pelletier
Madeleine Pelletier

Andrée est dessinatrice et égyptologue, et de manière pragmatique autant que féministe, elle porte donc des bloomers et des pantalons, réservant les robes aux trajets dans les transports publics et à ses séjours à Paris.

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