vendredi 14 février 2014

La vie pendant la Saint-Valentin

Je ne vous parlerai pas vraiment de la Saint-Valentin. Parce qu'honnêtement, je n'en ai personnellement pas grand-chose à carrer. Les fêtes commerciales ne me dérangent pas et la vie de couple exclusif, ce n'est pas ma tasse de thé, donc bon...

Pourtant, en ce vendredi de Saint-Valentin, c'est bien d'une histoire de couple qu'il s'agit ; à la fois exceptionnelle dans ses détails et ordinaire dans sa conclusion.

Si vous ne vivez pas dans une grotte, et que vous avez un minimum la fibre féministe, vous avez forcément lu des articles sur le procès qui s'est tenu en début de semaine à la Cour d'assises des Bouches-du-Rhône.
Le 12 février 2014, cette dernière a rendu son jugement, et il est insatisfaisant, écœurant et malheureusement représentatif.

Dans un communiqué publié en cette Saint-Valentin, intitulé R. Schembri : 10 années de réclusion théoriques pour 32 ans de tortures réelles, l'AVFT (Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail) nous détaille succinctement le déroulement du procès, et analyse brièvement le verdict (une analyse plus poussée est annoncée dans les notes de fin de page).

Piquouse de rappel :
Colette, 70 ans aujourd'hui, ex-épouse de René Schembri, échappe à ce dernier en 2002, en prenant la fuite, après 32 années de tortures et de violences conjugales.
S'ensuivent 12 ans de procédures judiciaires : divorce, plainte pour tortures et actes de barbarie ayant entraîné des infirmités et des mutilations permanentes, demande d'indemnisation des frais judiciaires et des préjudices subis, etc.
L'AVFT a soutenu Colette pendant les deux ans qu'a duré la préparation du procès aux Assises. Le courage de Colette et de sa fille aînée, ainsi que la qualité du travail de l'AVFT, méritent amplement d'être soulignés et admirés.
Comme la liste des motifs d'accusation est particulièrement insoutenable, je vous renvoie aux articles de l'AVFT et à leur lettre à l'intention de la Garde des Sceaux Mme Taubira, et me contente de les résumer ainsi : violences physiques, viols, mutilations, coups ayant entraîné la perte de fonctions et de parties anatomiques.

Les enjeux (et là encore, je reprends les analyses de l'AVFT) :
  • La responsabilité des tiers (témoins, famille, etc.) et notamment du corps médical, qui a soigné Colette pendant des années sans jamais s'étonner de ses explications invraisemblables.
  • La reconnaissance des viols : que la Cours d'Assises n'a pas satisfaite. Les viols ont été requalifiés en violences volontaires et en "relations sexuelles imposées". Ce qui a eu pour conséquences : 1° de nier la réalité des viols en tant que crimes distincts, et 2° d'éviter à M.Schembri la prison à perpétuité.
  • Les critères de prescription des crimes et délits : 29 ans de violences, viols et tortures ont échappé à l'accusation au prétexte qu'ils étaient prescrits. Or, comme le souligne l'AVFT : «L'un des fondements de l'opposition à l'imprescriptibilité des crimes est le dépérissement des preuves dans le temps. Or cette procédure démontre que cet argument n'est pas recevable. La preuve des tortures endurées par Colette est en effet inscrite sur son corps.»

Verdict :
10 ans de réclusion criminelle. Mais "théorique", pour reprendre l'expression de l'AVFT. Pourquoi ?
Parce que M.Schembri a déjà fait 4 ans de détention préventive. Il a aussi droit à des remises de peine automatiques (d'autant qu'il avait un casier judiciaire vierge auparavant).
Après 32 ans de violences et de crimes, M.Schembri a le droit de demander sa libération conditionnelle dans 2 ans.

Alors si comme moi, cette condamnation vous fait vomir par sa légèreté, si le combat de Colette et sa fille aînée vous émeut, si la négation et la disqualification des violences envers les femmes vous rendent dingue : parlez-en.
Soutenez l'AVFT.
Transférez, faites suivre, publiez sur votre blog, votre page Facebook, Twitter, que sais-je encore, les communiqués de l'AVFT et le compte-rendu du jugement.

Et surtout, surtout, ne pratiquez par l'indulgence envers les agressions sexuelles, même les plus minimes.
Rappelez-vous : la loi n'est pas de notre côté, ou si rarement.
L'impunité des agresseurs est encore chose courante.
La disqualification des violences, la légèreté des peines, sont choses communes.

Aujourd'hui c'est la Saint-Valentin. Mais j'ai juste envie de pleurer. Et ça n'a rien à voir avec l'amour.

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